LES BONNES PRATIQUES AGRICOLES :
UNE REALITE A FAIRE CONNAITRE A NOS CONCITOYEN
Beaucoup d’agriculteurs se sentent les « mal aimés » de la société, incompris des citadins ou des ruraux non agricoles,
qui ne voient en eux, au travers des événements les plus sensationnels relatés par les médias, que des budgétivores
toujours insatisfaits de leur sort, des pollueurs de nappes ou d’aliments et des destructeurs de paysages.
Il est clair que les agriculteurs doivent restaurer leur image dans l’opinion publique.
Les organisations professionnelles agricoles et des agriculteurs l’ont compris en réalisant différentes actions en faveur
du respect de l’environnement : Ferti-Mieux, Irri-Mieux, réseau de fermes de rencontre FARRE pratiquant l’agriculture
raisonnée et ouvrant leurs portes au grand public. Mais c’est insuffisant pour convaincre Mme Voynet que tous les
agriculteurs français agissent en responsables vis à vis de l’environnement.
S’il est vrai que nous avons encore de gros progrès à accomplir dans ce sens, nous avons déjà effectué une partie du chemin
et il serait injuste de nous traiter vulgairement de pollueurs.
Car tout individu doit quand même reconnaître qu’il est un pollueur qui s’ignore à travers tous les gestes de la vie
quotidienne : nous produisons des déchets en quantité ahurissante qu’il faut stocker en décharge ou incinérer , des eaux
usées chargées en nitrates (déjections) et phosphates (lessives et détergents) qu’il faut retraiter et qui génèrent des
boues de stations d’épuration, nous polluons l’air et réchauffons l’atmosphère au volant de nos voitures, pour ne citer
que les exemples les plus frappants.
Le tableau n’est pas franchement brillant. Nous avons tous de gros progrès à faire pour apprendre à respecter un peu plus
chaque jour l’environnement. C’est chaque acteur dans la société qui doit y contribuer , l’agriculture évidemment, mais
également l’industrie, les collectivités territoriales et tous les citoyens.
L’agriculture peut même devenir une aide précieuse dans la réduction des pollutions atmosphériques et de l’effet de serre
si les gouvernements européens encouragent le développement des biocarburants, dont l’intérêt est d’incorporer des composés
oxygénés (éthanol issu de la betterave ou diester issu du colza) moins polluants que les composés hydrocarbures actuels.
L’AGRICULTURE RAISONNEE, COMMENT Y EST-ON ARRIVE ?
Elle est le fruit d’une longue évolution qui nous oblige à nous pencher dans le passé.
L’homme s’est sédentarisé bien après l’homme de Cromagnon qui vivait de la chasse et de la cueillette. Il lui a alors
fallu une forme de raisonnement très élaborée pour inventer l’agriculture : semer quelque chose au lieu de le manger
tout de suite, quelle idée ! Autrement dit, l’agriculture, dès l’origine, avait un aspect raisonné.
Ensuite, pendant des siècles, s’est développée une agriculture que l’on pourrait qualifier d’artisanale ou
d’empirique. C’était une agriculture de subsistance, avec vente des seuls surplus éventuels. Ce fut longtemps une
agriculture soumise aux aléas climatiques et très vulnérable aux attaques d’insectes et de maladies.
A partir du XIXè siécle, l’agriculture française, intégrant progressivement les découvertes de son temps
(nutrition des végétaux, cycle de l’azote, amendement et engrais, découvertes sur la génétique avec Mendel en 1866, début de la phytopharmacie avec le soufre en 1850 et la bouillie bordelaise en 1885) est devenue plus « scientifique » ; elle s’est développée, mécanisée, est devenue excédentaire au niveau des exploitations et s’est tournée vers les marchés.
Plus récemment, au sortir de la deuxième guerre mondiale, une autre forme d’agriculture a vu le jour. Il fallait
produire beaucoup, devenir autosuffisant, vaincre la pénurie alimentaire qui sévira encore trois ans après la fin de la
guerre. Encouragés par le plan Marshall, par les progrès de la chimie, de la génétique, des technologies du froid, et en
se formant pour intégrer ces progrès, les agriculteurs ont modernisé leur métier. Cela s’est traduit par une utilisation
massive d’engrais, de machines, de produits phytosanitaires, de progrès génétiques (variétés, races animales). Ce mode de
production productiviste a trouvé son apogée dans les années 80. Raisonnement s’identifiait avec intensification et
productivité, selon le schéma « Plus je produis, plus je gagne ! ».
Les circonstances économiques, les surplus européens, l’opinion publique ont fini par montrer les limites de ce raisonnement.
Depuis une dizaine d’années, une agriculture raisonnée s’est mise en place et se généralise. Aujourd’hui, on assiste donc à
la naissance d’une nouvelle forme de raisonnement, d’une agriculture « raisonnée », prenant en compte les exigences de
notre temps.
L’agriculture raisonnée prône le développement d’une agriculture durable, c’est-à-dire à la fois rentable pour l’agriculteur,
respectueuse des milieux naturels et répondant en terme de quantité et qualité aux attentes des consommateurs.
LES INGREDIENTS D’UNE AGRICULTURE PERFORMANTE ET RESPECTUEUSE DE L’ENVIRONNEMENT SONT LES SUIVANTS :
· Il faut d’abord analyser les risques que l’agriculture peut présenter pour l’environnement. Cela ne se limite pas
au décompte des kilos de produits épandus dans les champs ou au nombre d’animaux élevés. L’impact sur l’environnement
dépend du niveau de fragilité du milieu naturel.
- milieu fragile : zones de montagne, de collines littorales, régions où les nappes phréatiques sont peu profondes
(Bretagne, Pays-Bas), terres en bordures de cours d’eau, de marais, de points de captage d’eaux de source. Dans ces
situations, des mesures de protection particulièrement strictes doivent être appliquées.
- milieu peu fragile : les grandes plaines à sols neutres, comme la Beauce, ou calcaires, comme la Champagne crayeuse.
Dans ces zones, une agriculture compétitive et intensive doit continuer à être le fondement de l’aménagement rural, à
condition de prendre les précautions élémentaires qui s’imposent pour ne pas détériorer cette situation favorable.
C’est le but de l’agriculture raisonnée, car dans un contexte de démographie mondiale encore fortement croissante pour
au moins cinquante ans, il est nécessaire de maintenir une agriculture productive : il faut nourrir la planète.
· Il faut aussi beaucoup de savoir-faire, un zeste de réglementation, un minimum de discipline, du bon sens et un esprit
ouvert.
L’objectif est de produire sans risques pour les ressources naturelles, en utilisant avec intelligence et compétence
toutes les possibilités offertes par la recherche et par le progrès technique en agriculture.
Cela conduit à diversifier les systèmes de culture et à moduler les quantités d’intrants en fonction du potentiel du
sol, des attaques et de la fragilité du milieu naturel.
VOICI POUR FINIR QUELQUES EXEMPLES ILLUSTRANT LE SAVOIR-FAIRE ET LE BON SENS DES AGRICULTEURS A L’HEURE ACTUELLE
EN CHAMPAGNE CRAYEUSE :
- Fini le ruissellement de fertilisants ou de pesticides s’échappant des cultures en bordure de cours d’eau par
la mise en place de bandes enherbées.
- Fini le lessivage de l’azote par excès de fertilisation : les agriculteurs raisonnent au plus juste leur apport
d’engrais azoté. C’est la fertilisation raisonnée. C’est facile à comprendre d’un point de vue économique car on cherche
à faire des économies sur nos charges. Or les engrais comme les pesticides nous coûtent cher et notre souci est de produire
autant ou plus en dépensant moins d’intrants. C’est de cette manière qu’on peut maintenir une agriculture compétitive.
- Il y a 20 ans, on épandait pour les betteraves 180 kg/ha de fumure azotée. Aujourd’hui, on prélève de la terre
dans chaque parcelle à la sortie de l’hiver, on dose sa teneur en azote sur trois horizons : de 0 à 30 cm, de 30 à 60,
de 60 à 90. On ajuste alors la fumure à la parcelle, sachant que les racines de betteraves explorent le sol jusqu’à
90 cm de profondeur (comme le blé). On ne met plus que 80 à 130 unités d’azote, selon les années et les parcelles.
On fait ainsi une grosse économie et les betteraves absorbent tout l’engrais apporté, qui donc ne pollue plus.
- Les outils permettant d’ajuster cette fertilisation sont donc l’objet d’un intérêt grandissant. Certains sont
bien connus (analyses de terre, méthode des bilans). Aujourd’hui on voit apparaître des techniques de diagnostic de
nutrition des cultures de blé permettant directement au champ d’évaluer la quantité d’azote circulant dans la plante.
Ainsi on sait si la plante manque d’azote ou pas, c’est-à-dire s’il faut réaliser un apport d’engrais supplémentaire
ou pas après un précédent apport.
- Des outils d’aide à la décision sont mis au point pour modéliser ou calculer le risque d’apparition des
maladies : c’est la protection phytosanitaire raisonnée. Ainsi pour la septoriose (un des 4 grands champignons
parasitant le blé), on est informé dès que la maladie « explose » et nécessite une intervention fongicide immédiate
(perte de 20 à 30 quintaux par hectare si on ne traite pas).
- Les agriculteurs sont généralement équipés de fax et ils reçoivent une à deux fois par semaine des messages
des services ou instituts techniques les informant de l’apparition de parasites ou de maladies dans leur secteur.
- L’observation visuelle des cultures est effectuée régulièrement par l’agriculteur afin de ne pas traiter
en aveugle ou en systématique, mais au cas par cas en fonction de la gravité des attaques de ravageurs ou de maladies
fongiques.
- Par exemple, pour les pucerons d’automne transmettant un virus aux céréales occasionnant des pertes de
rendement de l’ordre de 20 qx/ha en cas de forte attaque, le seuil de déclenchement du traitement insecticide est
de :un puceron vert pour 10 plantes ou 10 pucerons noirs pour 10 plantes.
- Nous utilisons des insecticides ménageant les abeilles et les auxiliaires. Les insecticides qui tuaient
les abeilles sont interdits depuis plusieurs années. Tout pesticide avant d’être commercialisé est testé pendant
10 ans par les autorités sanitaires afin de contrôler son intérêt agronomique, sa toxicité, sa dégradabilité.
- Les doses de pesticides sont testées sur les plateformes d’essais des coopératives et instituts techniques
afin de trouver la plus petite dose offrant la meilleure efficacité curative et le meilleur gain de rendement
économique par rapport à un témoin non traité.
Il est bon de rappeler qu’un témoin non traité subit une perte de rendement supérieure à
50 % par rapport à une culture en conduite raisonnée. Le témoin non traité donne un blé bio, mais malheureusement
bourré de maladies et plein de grains maigres et moisis, et du coup impropres à la consommation (présence de toxines).
Le bio n’est donc pas forcément une garantie de qualité pour le consommateur. Un produit bio ne contient certes pas
de résidus de pesticides, mais il peut contenir des toxines ou des ravageurs plus dangereux encore pour la santé
(pommes verreuses, pommes de terre atteintes de mildiou, etc).
L’agriculture biologique répond principalement à une attente des consommateurs.
Elle doit cohabiter à côté de l’agriculture raisonnée car elle constitue un champ de recherches pour une meilleure
utilisation de toutes les ressources naturelles et pour la découverte de moyens de lutte biologiques dans la
protection des cultures. Mais elle ne peut représenter un modèle d’agriculture à généraliser car cela entraînerait
la pénurie.
CONCLUSION
Les enjeux sont clairs : la société demande à l’agriculture de garantir sa sécurité alimentaire, sans polluer la nature.
Notre réponse est l’agriculture raisonnée : elle offrira une alimentation abondante, saine et variée car elle permet
d’éliminer les maladies et les ravageurs tout en réduisant les résidus et évitant la pollution des nappes.
Le métier d’agriculteur va donc encore évoluer pour faire face à ces nouveaux enjeux.
Faites confiance aux agriculteurs car ils ont toujours raisonné dans leur travail et ils raisonneront encore
demain pour s’adapter aux évolutions et aux besoins.
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